Nombre de personnes qui nous font l’amitié de visiter Vals-les-Bains, s’interrogent sur la raison d’être du canal Combier, ce canal en partie dissimulé sous les maisons de la rue Jean Jaurès et qui disparaît brutalement à l’extrémité sud du parking de la Volane. En fait, il s’agit d’un béal, c’est-à-dire un bief qui par synecdoque a pris le nom de son dernier propriétaire privé. Ce bief dérivait l’eau de la rivière Volane dont l’énergie actionnait des moulins établis en enfilade tout au long de son parcours. Cette eau permettait aussi l’arrosage des jardins situés entre le canal et la rivière, jardins qui ont disparu sous le parking et les maisons.
La première mention de ce canal, parvenue jusqu’à nous, date du 3 mai 1428. C’est un acte notarié établi par maître Rochette d’Aubenas. Il concerne une transaction entre noble et puissant homme Louis de Taulignan, seigneur de Barre, fils et procureur de Marguerite de Tecelis (des Tesseaux), et noble Garin du Serre, seigneur d’Ucel, tous deux coseigneurs de Vals, et messires Pierre Maurel et Thomas Balthasard de Vals. Les dits coseigneurs autorisent, moyennant une redevance, les dits Pierre Maurel et Thomas Balthasard à conduire l’eau des moulins de Vals jusqu’au territoire du Serre (emplacement de l’église Saint-Martin). Chacun des dits Pierre Maurel et Thomas Balthasard paiera à chaque coseigneur, le jour de Noël, un denier.
Cet acte indique clairement que le canal et son barrage existaient déjà en 1428. En conséquence, on peu déduire avec la plus grande certitude que ce canal et ces moulins ont été établis entre le XIe et XIIIe siècle, l’âge d’or du Moyen Age. Pendant cette période, le réchauffement climatique et l’utilisation d’outils aratoires en fer favorisent la culture des céréales. La mortalité enfantine diminue et la longévité s’accroît. La population de la France connaît une augmentation jusque-là inconnue. En deux siècles de 950 à 1200, elle passe d’environ cinq millions d’habitants à plus de dix millions. C’est la raison pour laquelle selon le moine clunisien Glober : « La France se couvre d’un blanc manteau d’églises » et bien sûr de moulins à eau que les communautés ecclésiastiques construisent massivement. S’agissant de Vals, il est vraisemblable que la construction du canal et des premiers moulins soit concomitante de celle du château et daterait du XIe siècle.
Un autre document plus tardif mentionne lui aussi le canal. Etabli le 26 juillet 1639, par le notaire Puech, il concerne un prix fait donné par la Maréchale d’Ornano, comtesse d’Aubenas et dame de Vals, à messire Jacques Ayraud, maçon de Vals, pour construire cinq moulins, proches de la rivière Volane, au lieu de Vals, à savoir : 1 de froment, 2 de seigle, 1 à huile et 1 à drap. Ce document précise la forme et les dimensions des moulins, l’orientation, le genre et la taille des fenêtres, la nature des matériaux, l’épaisseur des murs… Il indique également que les roues doivent être séparées. Il y a déjà une recherche esthétique, car ces cinq moulins, construits en enfilade, doivent être extérieurement identiques. Le canal est lui aussi remanié, certainement élargi, pour permettre en raison de sa faible pente l’utilisation de puissantes roues verticales alimentées par le dessous.
Les moulins ont disparu et à partir du XIXe siècle le canal a alimenté les turbines des usines de soie du mas Saint-Jean et du mas du Serre. Pour héberger les ouvriers, des maisons d’habitations ont été construites entre la rue Jean Jaurès et le canal, pour s’agrandir, elles l’ont enjambé. C’est ainsi que ce canal a ciel ouvert est devenu une espèce de tunnel.